Article paru dans le Figaro du 5 janvier 1914.
Lyon, 2 janvier 1914.
On va faire ces jours-ci à Lyon une expérience curieuse qui intéresse toutes les villes qui souffrent de l’un des phénomènes climatériques les plus désagréables, le brouillard, et Lyon est peut- être avec Londres la ville d’Europe qui a le plus à s’en plaindre. On a constaté, en effet, que le soleil y devient une rareté en hiver. Il ne se fait voir que deux heures par jour en moyenne en novembre et en février, une heure en janvier et quarante minutes seulement en décembre.
Pour remédier à cette calamité, divers systèmes ont été proposés et le dernier est l’emploi des ondes hertziennes qui font merveille dans la télégraphie sans fil. Mais l’un des savants attachés à l’Observatoire de Lyon, M. Georges Onofrio, a pensé qu’il valait mieux attaquer le mal dans sa cause et le supprimer que de recourir à des remèdes plus ou moins empiriques.
À son avis, la cause unique des brouillards de Lyon est la quantité énorme de vapeurs d’eau continuellement tenue en suspens au-dessus de la ville en raison de la surface considérable couverte par les eaux de la Saône et du Rhône dans la traversée de la ville, surface qui dépasse la moitié de la partie de la ville, qu’ils entourent de trois côtés. Ces vapeurs d’eau sont maintenues comme dans une sorte d’entonnoir par les collines qui entourent les vallées du Rhône et de la Saône et se transforment en brouillards au moindre abaissement de température.
M. Onofrio a pensé que, pour supprimer le brouillard, il faut empêcher l’évaporation des eaux du Rhône et de la Saône, et pour y arriver, il propose de les couvrir d’huile. Oh! Une couche très légère: 1 150 000e de millimètre d’épaisseur seulement suffirait d’après lui à rendre impossible toute évaporation. Et pour arriver à répandre cette couche, il propose de disposer des sacs, maintenus par des bouées, et contenant du coton saturé d’huile, à une certaine distance en amont de la ville. L’huile se répandrait à la surface de l’eau; elle serait entraînée par le courant au fur et à mesure et on arriverait ainsi en quelques heures à couvrir tout le cours du fleuve et de la rivière dans leur traversée de la ville.
M. Onofrio tenterait son expérience sur la Saône, à huit kilomètres au-dessus de Lyon, et il estime que si ses prévisions sont réalisées, on constatera bien vite la suppression du brouillard dans cette région. L’expérience ne serait du reste pas ruineuse, car il déclare qu’il lui suffira d’employer 72 litres d’huile par jour, et il n’en évalue les frais qu’à 40 francs par jour.
Le conseil municipal a naturellement voté les crédits nécessaires, et Lyon attend avec impatience les résultats de cette curieuse expérience.
meilleurs voeux